Il fut un temps où je croyais au temps
Que j’attendais, et redoutais autant.
Epargné, coupé, compté, mesuré,
Naïf, j’espérais bien, me l’assurer.
Que n’ai-je eu, l’indispensable défiance,
Plus tôt, comme rappel pour la conscience,
De temps en temps, sinon de temps à autre.
A cette folle illusion qui est nôtre.
J’ai cru le tromper et voulus ruser,
De contretemps, souvent j’ai abusé.
Détourné les yeux du cadran d’émail,
Du trot de l’aiguille espéré la faille.
Mais de la montre, le temps lui, se moque,
Rit des heures de la pauvre breloque,
De son battement mécanique et sûr,
Cliquetis dérisoire qui rassure.
Indifférent aux espoirs, aux attentes,
Sûr de lui, de son avance insolente,
La vie épuise à la course sans fin,
Ou laisse victoire au gagnant défunt.
Fort d’avoir pris le destin en otage,
Joué pour tous, sur les ans et les âges.
Il prétend au présent. Déni de fuite,
La tromperie ne peut rester sans suite.
C’est donc lui seul qu’il faudrait arrêter
Si l’on ne veut toujours « avoir été »,
Ce compteur impitoyable et pressé,
Le coupable du crime de passer.