Gris et froid, vil objet à l’éclat terne, impur,
Sous cette robe pourtant l’âme est droite et dure.
Au sein de ses semblables, dans la multitude,
Elle n’est que masse, informe, inutile et rude
Ce n’est qu’au sortir de sa boîte que, changée,
Maintenant unique, la vis est engagée.
De sa pointe acérée pénétrant l’inconnu,
Elle ne déviera plus, tant qu’au but parvenue.
Être, nouveau, dans le bois de la destinée,
Vers son cœur transperce la surface veinée.
Alors, pour le temps en marche un pas est un jour.
Un pas de la vie est au pas de vis un tour.
Liant au passage des pièces étrangères,
Retenant les morceaux d’aujourd’hui et d’hier,
Au fil de son avance elle a pu assembler
Ce qu’à une personne, peut bien ressembler.
Elle aura pris ce temps, aura su insister,
Forcer l’adversité, aux excès résister,
La tête arrachée par la torsion implacable,
Les filets ébréchés, usure inexorable.
La voilà à présent immobile et fragile,
Entièrement rongée, oxydée et débile,
Dans une réalité elle aussi friable
Où plus rien n’est certain, encore moins durable.
D’elle, on ne peut exiger plus longtemps l’effort.
Fiable, elle a jusqu’au bout maintenu ce corps.
Elle attend, certaine de ses tout derniers jours,
L’entame fatale de ce tout dernier tour.