A corps perdu

Moitié dévoré par mon regard carnassier,
De cette chair offerte, jamais rassasié,
Usé par mes caresses, encore et encore,
C’est bien tout ce qu’il reste de ce pauvre corps.

J’ai volé tant de fois son image divine,
Suivi impunément ses lignes serpentines.
J’en ai extrait l’essence même de la vie
Sans jamais compter, bien au-delà de l’envie.

Il exhibe ses manques et montre son vide,
N’en demeurent que ces quelques courbes languides.
Mais, comme au premier jour et sans défaut, pourtant,
J’y trouve sa jeunesse et mon amour ardent.

Ma mémoire a toutes ses formes sublimé,
Nul temps ne les aura de ses ans abîmées.
Elles sont là, intactes, comme suspendues.
Ce corps ou le mien, lequel ai-je donc perdu ?