En avant la musique – glissando

Piano, con molto, glissando
Ainsi s’en va cet escargot
Portant d’un violon la volute
Tout comme il tiendrait une flûte,

Mais ne produira point de trilles
Sa malencontreuse coquille.
De tout ça bon gré s’accommode
La folie du gastéropode.

Saisi d’un rythme forcené
A l’action sitôt amené
Il crie « En avant la musique ! »
Ouvrant une marche statique.

Au pied posé avec entrain,
Sa bave gluante fait frein.
Toute avance lui est proscrite,
La partition était écrite !

Pas de vis

Pas de vis
Pas de vice
Pas d’office

Pas d’avis
Pas d’envie
Pas de vie

Pas d’amour
pas d’atour
pas de cour

Pas de soi
Pas de foi
Pas de loi

Pour ajuster la vis
et corriger le tout
Avec un tournevis,
Serrer d’un tour, c’est tout !

Une idée brûlante derrière la tête

Une grande flamme s’envole,
Tourmentée, enroulée, s’affole.
Ses pointes vers le ciel portées,
Griffent l’air, furieuses, agitées.

Au milieu des formes malignes,
Prise dans l’incendie des lignes,
Une face aux traits sataniques
Attise le feu maléfique,

Cherchant d’un regard de néant
L’origine de ce tourment
Qui ne pourra pourtant la voir,
Pour son éternel désespoir.

Derrière la tête béante
Elle est là, cette idée brûlante.
Mais dans le brasier qu’elle allume,
C’est elle, à nu, qui se consume.

Lettre d’amour

Elle est arrivée on ne sait d’où ni comment.
Ce qu’elle dit, on n’en devine rien vraiment.
Comme une écorce séchée elle est enroulée,
Enfermant son secret d’une corde tirée.

Mais ce que ceint ce lien, cette taille docile,
Cette feuille née de la terre, aux rebords fragiles,
Délicats pétales par le feu endurcis,
Ne pourrait sans rompre révéler son récit.

La flamme est passée, laissant sur cette fleur feinte
Le rouge d’un brasier dont l’ardeur s’est éteinte.
Ces formes figées sont-elles encore promises,
Incertains appas, à des amours indécises ?

Devine-t-on des mots, retenus ou chargés,
De joie ou de peine insensibles messagers,
Qu’une plume fiévreuse alors aurait écrits,
Avide de lecture, de corps et de cris ?

Gardant ses signes en elle au delà du temps,
Scellés à jamais dans la spirale des ans,
Elle est là. Peut-être n’est-t-elle pas partie.
Las ! peut-être, du rêve elle n’est pas sortie.

 

La fleur des mâles

Depuis toujours était ce pot
Banal en vérité, pas beau.
Nulle vie jamais n’a germé,
Levant de ce sable grossier.

Mais soudain, un esprit subtil
Saisit cette coque inutile,
Poussant hors de son sol alors
Un tronc épais, nerveux et fort.

De cette improbable naissance,
En rond et formant une danse,
Six pétales rudes s’entrouvrent
Et leur cadeau précieux découvrent.

Trois femmes en forme de symbole
Aux bras, volutes qui s’envolent,
S’offrent au brûlant désir charnel
Sinon à l’amour passionnel.

C’est alors l’envers de l’image
Qui montre l’endroit des visages,
Viriles figures figées,
Du désir mortel détournées.

Le vide des yeux repentis
Fixe une trace d’infini.
Elle n’était pourtant pas si mal
L’idée d’être aimées par six mâles

A moitié folle

Elle me toise de son beau regard tranquille
Altière et lointaine dans son écrin gracile.
Une étoffe veloutée jetée sur son dos
Dévoile les épaules en un précieux cadeau.

Le buste offert paré de simples ornements,
De mon coeur saisi bouscule les battements.
C’est à peine si j’ose relever les yeux
Vers elle, qui me paraît descendre des cieux.

Mais il semble, passé ce trouble ensorcelé,
Qu’au dessus de son front, la tête échevelée
Se découvre et présente comme une blessure.
Deux parts étrangères sont nées de la fracture.

L’une se conforme à toute comparaison
Dont les méandres gris plaident pour la raison.
L’autre, aux reflets d’or, dans ses formes singulières,
Semble échapper à toute fonction familière.

L’évidence est là, telle un nouveau cas d’école,
Cette beauté, sans nul doute, est à moitié folle.
Pourtant toute prudence mes élans bafouent,
J’en suis, c’est aussi certain, entièrement fou.